FIL POESIE
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Re: FIL POESIE
Anna AKHMATOVA
L'icône de la souffrance russe
voilà des extaits de "requiem"
2
Paisible coule le Don
la lune entre dans la maison
la lune entre sans façons,
elle voit une ombre dans la maison.
Cette femme est malade,
cette femme est solitaire.
Le mari mort, le fils est en prison
Priez à mon attention.
3
Non, ce n'est pas moi, c'est une autre qui souffre.
Moi, je ne pourrai pas. Ce qui est arrivé,
qu'un drap noir recouvre le recouvre,
et qu'on emporte les flambeaux…
La nuit.
5
Depuis dix-huit mois je hurle : reviens !
reviens à la maison.
Je rampe aux pieds des assassins,
mon effroi, mon garçon.
Tout s'embrouille sans rémission
et je ne sais plus trop
qui est un fauve qui est un homme,
Quand viendra le bourreau.
Il n'y a que des fleurs qui fanent,
l'odeur d'encens, des pas qui mènent
ailleurs, vers le néant.
Et sans répit me dévisage,
et de mort brandit le présage
une étoile géante.
8
A LA MORT
Tôt ou tard tu viendras- pourquoi pas maintenant ?
Je suis en grand malheur et je t'appelle.
ma lumière est éteinte, mon portrait est béant -
Pour toi si simple et si belle.
Tu peux prendre la forme qui te convient :
flèche empoisonnée, trouant le vide,
bandit, assomme-moi sur le chemin.
Emporte-moi fièvre typhoïde.
Ou bien encore - ta belle invention,
pour tous, à en vomir, banale ;
Qu'un képi bleu entre dans ma maison,
guidé par le concierge pâle.
Tout m'est égal. Ienisseï bouillonnant,
L'étoile polaire brille sur moi.
Et l'éclat bleu des yeux que j'aime tant
se voile d'un ultime effroi.
19 août 1939 Leningrad
-------------------------------------------------------------------------------
ÉPILOGUE
Et j'ai appris l'affaissement des visages,
la crainte qui sous les paupières danse,
les signes cunéiformes des pages
que dans les joues burine la souffrance ;
les boucles brunes, les boucles dorées
soudain devenir boucles d'argent grises,
faner le sourire aux lèvres soumises,
et dans le rire sec la peur trembler.
Et ma prière n'est pas pour moi seule,
Mais pour tous ceux qui attendaient comme moi
dans la nuit froide et dans la chaleur
sous le mur rouge, sous le mur d'effroi.
1940
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L'icône de la souffrance russe
voilà des extaits de "requiem"
2
Paisible coule le Don
la lune entre dans la maison
la lune entre sans façons,
elle voit une ombre dans la maison.
Cette femme est malade,
cette femme est solitaire.
Le mari mort, le fils est en prison
Priez à mon attention.
3
Non, ce n'est pas moi, c'est une autre qui souffre.
Moi, je ne pourrai pas. Ce qui est arrivé,
qu'un drap noir recouvre le recouvre,
et qu'on emporte les flambeaux…
La nuit.
5
Depuis dix-huit mois je hurle : reviens !
reviens à la maison.
Je rampe aux pieds des assassins,
mon effroi, mon garçon.
Tout s'embrouille sans rémission
et je ne sais plus trop
qui est un fauve qui est un homme,
Quand viendra le bourreau.
Il n'y a que des fleurs qui fanent,
l'odeur d'encens, des pas qui mènent
ailleurs, vers le néant.
Et sans répit me dévisage,
et de mort brandit le présage
une étoile géante.
8
A LA MORT
Tôt ou tard tu viendras- pourquoi pas maintenant ?
Je suis en grand malheur et je t'appelle.
ma lumière est éteinte, mon portrait est béant -
Pour toi si simple et si belle.
Tu peux prendre la forme qui te convient :
flèche empoisonnée, trouant le vide,
bandit, assomme-moi sur le chemin.
Emporte-moi fièvre typhoïde.
Ou bien encore - ta belle invention,
pour tous, à en vomir, banale ;
Qu'un képi bleu entre dans ma maison,
guidé par le concierge pâle.
Tout m'est égal. Ienisseï bouillonnant,
L'étoile polaire brille sur moi.
Et l'éclat bleu des yeux que j'aime tant
se voile d'un ultime effroi.
19 août 1939 Leningrad
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ÉPILOGUE
Et j'ai appris l'affaissement des visages,
la crainte qui sous les paupières danse,
les signes cunéiformes des pages
que dans les joues burine la souffrance ;
les boucles brunes, les boucles dorées
soudain devenir boucles d'argent grises,
faner le sourire aux lèvres soumises,
et dans le rire sec la peur trembler.
Et ma prière n'est pas pour moi seule,
Mais pour tous ceux qui attendaient comme moi
dans la nuit froide et dans la chaleur
sous le mur rouge, sous le mur d'effroi.
1940
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Duchesse-
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Re: FIL POESIE
Pour faire le portrait d'un oiseau Peindre d'abord une cage avec une porte ouverte peindre ensuite quelque chose de joli quelque chose de simple quelque chose de beau quelque chose d'utile pour l'oiseau placer ensuite la toile contre un arbre dans un jardin dans un bois ou dans une forêt se cacher derrière l'arbre sans rien dire sans bouger... Parfois l'oiseau arrive vite mais il peut aussi mettre de longues années avant de se décider Ne pas se décourager attendre attendre s'il le faut pendant des années la vitesse ou la lenteur de l'arrivée de l'oiseau n'ayant aucun rapport avec la réussite du tableau Quand l'oiseau arrive s'il arrive observer le plus profond silence attendre que l'oiseau entre dans la cage et quand il est entré fermer doucement la porte avec le pinceau puis effacer un à un tous les barreaux en ayant soin de ne toucher aucune des plumes de l'oiseau Faire ensuite le portrait de l'arbre en choisissant la plus belle de ses branches pour l'oiseau peindre aussi le vert feuillage et la fraîcheur du vent la poussière du soleil et le bruit des bêtes de l'herbe dans la chaleur de l'été et puis attendre que l'oiseau se décide à chanter Si l'oiseau ne chante pas C'est mauvais signe signe que le tableau est mauvais mais s'il chante c'est bon signe signe que vous pouvez signer Alors vous arrachez tout doucment une des plumes de l'oiseau et vous écrivez votre nom dans un coin du tableau. Jacques Prevert |
Invité- Invité
Pour Kripouille!
Pourquoi suis-je si belle?
Parce que mon maitre me lave.
Paul Eluard
Parce que mon maitre me lave.
Paul Eluard
Duchesse-
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spiderman-
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Localisation : de l'autre cote de la flaque a hareng
Emploi : Auteur-Compositeur
Loisirs : kate beckinsale, Felix Leclerc,Moustaki
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Re: FIL POESIE
Un esprit malade
dans un corps saint,
des anciens camarades
au cruel destin.
Du vin pourboire,
au mains musicien,
devant le miroir
sans lendemain.
Une femme sans âme
a croisé son chemin,
dans une rivière calme
terminé son chemin.
ne pleurez pas frères,
pour personne, il n'était rien;
à chacun sa prière,
à chacun son destin.
Monsieur 2008
dans un corps saint,
des anciens camarades
au cruel destin.
Du vin pourboire,
au mains musicien,
devant le miroir
sans lendemain.
Une femme sans âme
a croisé son chemin,
dans une rivière calme
terminé son chemin.
ne pleurez pas frères,
pour personne, il n'était rien;
à chacun sa prière,
à chacun son destin.
Monsieur 2008
spiderman-
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Re: FIL POESIE
spid, ça me fait penser aux haïkus japonais ton dernier poème...
billbaroud35- Admin
-
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Re: FIL POESIE
CONSEILS A UN AMI
Ami, tu veux
Devenir poète
Ne fais surtout pas
L'imbécile
N'écris pas
Des chansons trop bêtes
Même si les gourdes
Aiment ça.
N'y mets pas
L'accessoire idiot
Ou le sombrero
Du Mexique
N'y mets pas
Le parfum brûlant
Ou le cormoran
Exotique.
Mets des fleurs
Et quelques baisers
Tendrement posés
Sur ses lèvres
Mets des notes
En joli bouquet
Et puis chante-les
Dans ton cœur.
Ami, tu veux
Devenir poète
N'essaie surtout pas
D'être riche
Tu feras
De petits bijoux
Que l'on te paiera
Vingt-cinq sous.
L'éditeur
Va te proposer
De te prostituer
Sans vergogne
L'interprète
Va te discuter
Et va suggérer
Que tu rognes.
Tu riras
De ce qu'on dira
Et tu garderas
Dans ta tête
Ce refrain
Toujours inconnu
Que tu siffleras
Dans la rue...
Boris Vian 1958
Ami, tu veux
Devenir poète
Ne fais surtout pas
L'imbécile
N'écris pas
Des chansons trop bêtes
Même si les gourdes
Aiment ça.
N'y mets pas
L'accessoire idiot
Ou le sombrero
Du Mexique
N'y mets pas
Le parfum brûlant
Ou le cormoran
Exotique.
Mets des fleurs
Et quelques baisers
Tendrement posés
Sur ses lèvres
Mets des notes
En joli bouquet
Et puis chante-les
Dans ton cœur.
Ami, tu veux
Devenir poète
N'essaie surtout pas
D'être riche
Tu feras
De petits bijoux
Que l'on te paiera
Vingt-cinq sous.
L'éditeur
Va te proposer
De te prostituer
Sans vergogne
L'interprète
Va te discuter
Et va suggérer
Que tu rognes.
Tu riras
De ce qu'on dira
Et tu garderas
Dans ta tête
Ce refrain
Toujours inconnu
Que tu siffleras
Dans la rue...
Boris Vian 1958
gros branleur-
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Loisirs : un peu de tout...beaucoup de rien
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Re: FIL POESIE
« Dans ma cervelle se promène,
Ainsi qu’en son appartement,
Un beau chat, fort, doux et charmant.
Quand il miaule, on l’entend à peine,
Tant son timbre est tendre et discret ;
Mais que sa voix s’apaise ou gronde,
Elle est toujours riche et profonde.
C’est là son charme et son secret.
Cette voix, qui perle et qui filtre,
Dans mon fonds le plus ténébreux,
Me remplit comme un vers nombreux
Et me réjouit comme un philtre.
Elle endort les plus cruels maux
Et contient toutes les extases ;
Pour dire les plus longues phrases,
Elle n’a pas besoin de mots.
Non, il n’est pas d’archet qui morde
Sur mon cœur, parfait instrument,
Et fasse plus royalement
Chanter sa plus vibrante corde,
Que ta voix, chat mystérieux,
Chat séraphique, chat étrange,
En qui tout est, comme en un ange,
Aussi subtil qu’harmonieux ! »
« Le chat », I, Les fleurs du mal.
Baudelaire
Ainsi qu’en son appartement,
Un beau chat, fort, doux et charmant.
Quand il miaule, on l’entend à peine,
Tant son timbre est tendre et discret ;
Mais que sa voix s’apaise ou gronde,
Elle est toujours riche et profonde.
C’est là son charme et son secret.
Cette voix, qui perle et qui filtre,
Dans mon fonds le plus ténébreux,
Me remplit comme un vers nombreux
Et me réjouit comme un philtre.
Elle endort les plus cruels maux
Et contient toutes les extases ;
Pour dire les plus longues phrases,
Elle n’a pas besoin de mots.
Non, il n’est pas d’archet qui morde
Sur mon cœur, parfait instrument,
Et fasse plus royalement
Chanter sa plus vibrante corde,
Que ta voix, chat mystérieux,
Chat séraphique, chat étrange,
En qui tout est, comme en un ange,
Aussi subtil qu’harmonieux ! »
« Le chat », I, Les fleurs du mal.
Baudelaire
gros branleur-
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Re: FIL POESIE
A part les deux dernières strophes, c'est ce que dis tous les jours à Puck!
LE CHAT
Viens, mon beau chat, sur mon cœur amoureux:
Retiens les griffes de ta patte,
Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux,
Mêlés de métal et d'agate.
Lorsque mes doigts caressent à loisir
Ta tête et ton dos élastique,
Et que ma main s'enivre du plaisir
De palper ton corps électrique,
Je vois ma femme en esprit; son regard,
Comme le tien, aimable bête,
Profond et froid, coupe et fend comme un dard.
Et, des pieds jusques à la tête,
Un air subtil, un dangereux parfum
Nagent autour de son corps brun.
Charles Baudelaire (1821-1867)
LE CHAT
Viens, mon beau chat, sur mon cœur amoureux:
Retiens les griffes de ta patte,
Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux,
Mêlés de métal et d'agate.
Lorsque mes doigts caressent à loisir
Ta tête et ton dos élastique,
Et que ma main s'enivre du plaisir
De palper ton corps électrique,
Je vois ma femme en esprit; son regard,
Comme le tien, aimable bête,
Profond et froid, coupe et fend comme un dard.
Et, des pieds jusques à la tête,
Un air subtil, un dangereux parfum
Nagent autour de son corps brun.
Charles Baudelaire (1821-1867)
Duchesse-
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Re: FIL POESIE
Quelle merveille!gros branleur a écrit:« Dans ma cervelle se promène,
Ainsi qu’en son appartement,
Un beau chat, fort, doux et charmant.
Quand il miaule, on l’entend à peine,
Tant son timbre est tendre et discret ;
Mais que sa voix s’apaise ou gronde,
Elle est toujours riche et profonde.
C’est là son charme et son secret.
Cette voix, qui perle et qui filtre,
Dans mon fonds le plus ténébreux,
Me remplit comme un vers nombreux
Et me réjouit comme un philtre.
Elle endort les plus cruels maux
Et contient toutes les extases ;
Pour dire les plus longues phrases,
Elle n’a pas besoin de mots.
Non, il n’est pas d’archet qui morde
Sur mon cœur, parfait instrument,
Et fasse plus royalement
Chanter sa plus vibrante corde,
Que ta voix, chat mystérieux,
Chat séraphique, chat étrange,
En qui tout est, comme en un ange,
Aussi subtil qu’harmonieux ! »
« Le chat », I, Les fleurs du mal.
Baudelaire
Duchesse-
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Date d'inscription : 16/04/2007
écrit en 1852, toujours d'actualité...
un bon bourgeois dans sa maison
Il est certains bourgeois, prêtres du dieu Boutique,
Plus voisins de Chrysès que de Caton d'Utique,
Mettant par-dessus tout la rente et le coupon,
Qui, voguant à la Bourse et tenant un harpon,
Honnêtes gens d'ailleurs, mais de la grosse espèce,
Acceptent Phalaris par amour pour leur caisse,
Et le taureau d'airain à cause du veau d'or.
Ils ont voté. Demain ils voteront encor.
Si quelque libre écrit entre leurs mains s'égare,
Les pieds sur les chenets et fumant son cigare,
Chacun de ces votants tout bas raisonne ainsi :
Ce livre est fort choquant. De quel droit celui-ci
Est-il généreux, ferme et fier, quand je suis lâche ?
En attaquant monsieur Bonaparte, on me fâche.
Je pense comme lui que c'est un gueux ; pourquoi
Le dit-il ? Soit, d'accord, Bonaparte est sans foi
Ni loi ; c'est un parjure, un brigand, un faussaire,
C'est vrai ; sa politique est armée en corsaire
Il a banni jusqu'à des juges suppléants ;
Il a coupé leur bourse aux princes d'Orléans
C'est le pire gredin qui soit sur cette terre ;
Mais puisque j'ai voté pour lui, l'on doit se taire.
Ecrire contre lui, c'est me blâmer au fond ;
C'est me dire : voilà comment les braves font
Et c'est une façon, à nous qui restons neutres,
De nous faire sentir que nous sommes des pleutres.
J'en conviens, nous avons une corde au poignet.
Que voulez-vous ? la Bourse allait mal ; on craignait
La république rouge, et même un peu la rose
Il fallait bien finir par faire quelque chose
On trouve ce coquin, on le fait empereur ;
C'est tout simple. On voulait éviter la terreur,
Le spectre de monsieur Romieu, la jacquerie
On s'est réfugié dans cette escroquerie.
Or, quand on dit du mal de ce gouvernement,
Je me sens chatouillé désagréablement.
Qu'on fouaille avec raison cet homme, c'est possible
Mais c'est m'insinuer à moi, bourgeois paisible
Qui fis ce scélérat empereur ou consul,
Que j'ai dit oui par peur et vivat par calcul.
Je trouve impertinent, parbleu, qu'on me le dise.
M'étant enseveli dans cette couardise,
Il me déplaît qu'on soit intrépide aujourd'hui,
Et je tiens pour affront le courage d'autrui. »
Penseurs, quand vous marquez au front l'homme punique
Qui de la loi sanglante arracha la tunique,
Quand vous vengez le peuple à la gorge saisi,
Le serment et le droit, vous êtes, songez-y,
Entre Sbogar qui règne et Géronte qui vote ;
Et votre plume ardente, anarchique, indévote,
Démagogique, impie, attente d'un côté
A ce crime ; de l'autre, à cette lâcheté.
Novembre 1852. Jersey.
Victor Hugo Les châtiments
Il est certains bourgeois, prêtres du dieu Boutique,
Plus voisins de Chrysès que de Caton d'Utique,
Mettant par-dessus tout la rente et le coupon,
Qui, voguant à la Bourse et tenant un harpon,
Honnêtes gens d'ailleurs, mais de la grosse espèce,
Acceptent Phalaris par amour pour leur caisse,
Et le taureau d'airain à cause du veau d'or.
Ils ont voté. Demain ils voteront encor.
Si quelque libre écrit entre leurs mains s'égare,
Les pieds sur les chenets et fumant son cigare,
Chacun de ces votants tout bas raisonne ainsi :
Ce livre est fort choquant. De quel droit celui-ci
Est-il généreux, ferme et fier, quand je suis lâche ?
En attaquant monsieur Bonaparte, on me fâche.
Je pense comme lui que c'est un gueux ; pourquoi
Le dit-il ? Soit, d'accord, Bonaparte est sans foi
Ni loi ; c'est un parjure, un brigand, un faussaire,
C'est vrai ; sa politique est armée en corsaire
Il a banni jusqu'à des juges suppléants ;
Il a coupé leur bourse aux princes d'Orléans
C'est le pire gredin qui soit sur cette terre ;
Mais puisque j'ai voté pour lui, l'on doit se taire.
Ecrire contre lui, c'est me blâmer au fond ;
C'est me dire : voilà comment les braves font
Et c'est une façon, à nous qui restons neutres,
De nous faire sentir que nous sommes des pleutres.
J'en conviens, nous avons une corde au poignet.
Que voulez-vous ? la Bourse allait mal ; on craignait
La république rouge, et même un peu la rose
Il fallait bien finir par faire quelque chose
On trouve ce coquin, on le fait empereur ;
C'est tout simple. On voulait éviter la terreur,
Le spectre de monsieur Romieu, la jacquerie
On s'est réfugié dans cette escroquerie.
Or, quand on dit du mal de ce gouvernement,
Je me sens chatouillé désagréablement.
Qu'on fouaille avec raison cet homme, c'est possible
Mais c'est m'insinuer à moi, bourgeois paisible
Qui fis ce scélérat empereur ou consul,
Que j'ai dit oui par peur et vivat par calcul.
Je trouve impertinent, parbleu, qu'on me le dise.
M'étant enseveli dans cette couardise,
Il me déplaît qu'on soit intrépide aujourd'hui,
Et je tiens pour affront le courage d'autrui. »
Penseurs, quand vous marquez au front l'homme punique
Qui de la loi sanglante arracha la tunique,
Quand vous vengez le peuple à la gorge saisi,
Le serment et le droit, vous êtes, songez-y,
Entre Sbogar qui règne et Géronte qui vote ;
Et votre plume ardente, anarchique, indévote,
Démagogique, impie, attente d'un côté
A ce crime ; de l'autre, à cette lâcheté.
Novembre 1852. Jersey.
Victor Hugo Les châtiments
gros branleur-
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Loisirs : un peu de tout...beaucoup de rien
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Re: FIL POESIE
Encore Baudelaire, encore les chats,
J'aime le premier, comme les seconds
Les gens du coin trouvent ça con,
Ça n'augmente pas le pouvoir d'achat....
J'aime le premier, comme les seconds
Les gens du coin trouvent ça con,
Ça n'augmente pas le pouvoir d'achat....
Les Chats
Les amoureux fervents et les savants austères
Aiment également, dans leur mûre saison,
Les chats puissants et doux, orgueil de la maison,
Qui comme eux sont frileux et comme eux sédentaires
Amis de la science et de la volupté
Ils cherchent le silence et l'horreur des ténèbres;
L'Erèbe les eût pris pour ses courriers funèbres,
S'ils pouvaient au servage incliner leur fierté.
Ils prennent en songeant les nobles attitudes
Des grands sphinx allongés au fond des solitudes,
Qui semblent s'endormir dans un rêve sans fin;
Leurs reins féconds sont plein d'étincelles magiques
Et des parcelles d'or, ainsi qu'un sable fin,
Etoilent vaguement leurs prunelles mystiques.
Baudelaire, Les fleurs du mal
Les amoureux fervents et les savants austères
Aiment également, dans leur mûre saison,
Les chats puissants et doux, orgueil de la maison,
Qui comme eux sont frileux et comme eux sédentaires
Amis de la science et de la volupté
Ils cherchent le silence et l'horreur des ténèbres;
L'Erèbe les eût pris pour ses courriers funèbres,
S'ils pouvaient au servage incliner leur fierté.
Ils prennent en songeant les nobles attitudes
Des grands sphinx allongés au fond des solitudes,
Qui semblent s'endormir dans un rêve sans fin;
Leurs reins féconds sont plein d'étincelles magiques
Et des parcelles d'or, ainsi qu'un sable fin,
Etoilent vaguement leurs prunelles mystiques.
Baudelaire, Les fleurs du mal
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gros branleur-
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Re: FIL POESIE
Comprenne qui voudra
Moi mon remords ce fut
La malheureuse qui resta
Sur le pavé
La victime raisonnable
À la robe déchirée
Au regard d’enfant perdue
Découronnée défigurée
Celle qui ressemble aux morts
Qui sont morts pour être aimés
Une fille faite pour un bouquet
Et couverte
Du noir crachat des ténèbres
Une fille galante
Comme une aurore de premier mai
La plus aimable bête
Souillée et qui n’a pas compris
Qu’elle est souillée
Une bête prise au piège
Des amateurs de beauté
Et ma mère la femme
Voudrait bien dorloter
Cette image idéale
De son malheur sur terre.
Paul Eluard
Moi mon remords ce fut
La malheureuse qui resta
Sur le pavé
La victime raisonnable
À la robe déchirée
Au regard d’enfant perdue
Découronnée défigurée
Celle qui ressemble aux morts
Qui sont morts pour être aimés
Une fille faite pour un bouquet
Et couverte
Du noir crachat des ténèbres
Une fille galante
Comme une aurore de premier mai
La plus aimable bête
Souillée et qui n’a pas compris
Qu’elle est souillée
Une bête prise au piège
Des amateurs de beauté
Et ma mère la femme
Voudrait bien dorloter
Cette image idéale
De son malheur sur terre.
Paul Eluard
Duchesse-
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Re: FIL POESIE
Sur mes cahiers d'écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J'écris ton nom
Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J'écris ton nom
Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J'écris ton nom
Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l'écho de mon enfance
J'écris ton nom
Sur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J'écris ton nom
Sur tous mes chiffons d'azur
Sur l'étang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J'écris ton nom
Sur les champs sur l'horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J'écris ton nom
Sur chaque bouffée d'aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J'écris ton nom
Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l'orage
Sur la pluie épaisse et fade
J'écris ton nom
Sur la vitre des surprises
Sur les lèvres attentives
Bien au-dessus du silence
J'écris ton nom
Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J'écris ton nom
Sur l'absence sans désirs
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J'écris ton nom
Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l'espoir sans souvenir
J'écris ton nom
Et par le pouvoir d'un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
Liberté.
Paul Eluard 1942
(ce poème est paru dans les journaux en France sous l'occupation. La censure ne l'avait pas lu jusqu'au bout)
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J'écris ton nom
Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J'écris ton nom
Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J'écris ton nom
Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l'écho de mon enfance
J'écris ton nom
Sur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J'écris ton nom
Sur tous mes chiffons d'azur
Sur l'étang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J'écris ton nom
Sur les champs sur l'horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J'écris ton nom
Sur chaque bouffée d'aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J'écris ton nom
Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l'orage
Sur la pluie épaisse et fade
J'écris ton nom
Sur la vitre des surprises
Sur les lèvres attentives
Bien au-dessus du silence
J'écris ton nom
Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J'écris ton nom
Sur l'absence sans désirs
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J'écris ton nom
Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l'espoir sans souvenir
J'écris ton nom
Et par le pouvoir d'un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
Liberté.
Paul Eluard 1942
(ce poème est paru dans les journaux en France sous l'occupation. La censure ne l'avait pas lu jusqu'au bout)
Invité- Invité
Re: FIL POESIE
Le Dernier poème
J'ai rêvé tellement fort de toi,
J'ai tellement marché, tellement parlé,
Tellement aimé ton ombre,
qu'il ne me reste plus rien de toi.
Il me reste d'être l'ombre parmi les ombres
D'être cent fois plus ombre que l'ombre
D'être l'ombre qui viendra et reviendra
dans ta vie ensoleillée.
Robert Desnos
J'ai rêvé tellement fort de toi,
J'ai tellement marché, tellement parlé,
Tellement aimé ton ombre,
qu'il ne me reste plus rien de toi.
Il me reste d'être l'ombre parmi les ombres
D'être cent fois plus ombre que l'ombre
D'être l'ombre qui viendra et reviendra
dans ta vie ensoleillée.
Robert Desnos
Duchesse-
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Ce texte a 38 ans, personne ne l'a encore lu
Ô Venise la Verte, qui rêves dans le soir,
Tu n'as pas pour toiture le beau ciel d'Italie,
Et tes clochers s'inclinent sous le vent, pour se voir.
Dans tes rues, nommées « conches », des gondoles noircies
Mènent au pâturage de placides bovins.
Tes bateliers manient la pigouille et la pelle
En transportant du bois, des touristes ou du vin
Ton silence est peuplé d'une vie calme et douce,
Le bruissement des feuilles et les cris des oiseaux
Tissent une grande paix qui marche sur la mousse.
Point de pigeons ici, mais le faisan craintif
Cache au milieu des herbes sa livrée magnifique,
Et la perche arc-en-ciel se glisse d'un vol vif
Entre les nénuphars, repos des libellules.
Ici le temps s'arrête, ne passent que les saisons,
Et l'automne doré, qui vêt les frondaisons
D'un grand manteau de pourpre et de soleil, succède
A un printemps qui n'en finit plus de passer.
Après lui vient l'hiver, où le calme des eaux
Plane au-dessus des terres endormies et muettes.
Ô refuge du temps où l'homme savait vivre,
Asile merveilleux, demeure toujours ouverte,
Guide nos pas vers toi, pour que nous puissions suivre
Tes canaux parfumés, ô Venise la Verte.
Tu n'as pas pour toiture le beau ciel d'Italie,
Et tes clochers s'inclinent sous le vent, pour se voir.
Dans tes rues, nommées « conches », des gondoles noircies
Mènent au pâturage de placides bovins.
Tes bateliers manient la pigouille et la pelle
En transportant du bois, des touristes ou du vin
Ton silence est peuplé d'une vie calme et douce,
Le bruissement des feuilles et les cris des oiseaux
Tissent une grande paix qui marche sur la mousse.
Point de pigeons ici, mais le faisan craintif
Cache au milieu des herbes sa livrée magnifique,
Et la perche arc-en-ciel se glisse d'un vol vif
Entre les nénuphars, repos des libellules.
Ici le temps s'arrête, ne passent que les saisons,
Et l'automne doré, qui vêt les frondaisons
D'un grand manteau de pourpre et de soleil, succède
A un printemps qui n'en finit plus de passer.
Après lui vient l'hiver, où le calme des eaux
Plane au-dessus des terres endormies et muettes.
Ô refuge du temps où l'homme savait vivre,
Asile merveilleux, demeure toujours ouverte,
Guide nos pas vers toi, pour que nous puissions suivre
Tes canaux parfumés, ô Venise la Verte.
Re: FIL POESIE
très joli poème poitevin gotch! c'est de toi?
puisqu'on était parti sur prévert, impossible de faire l'impasse sur celui-là en ce lundi grisâtre de novembre :
puisqu'on était parti sur prévert, impossible de faire l'impasse sur celui-là en ce lundi grisâtre de novembre :
Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là
Et tu marchais souriante
Épanouie, ravie, ruisselante
Sous la pluie
Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest
Et je t’ai croisé rue de Siam
Tu souriais
Et moi je souriais de même
Rappelle-toi Barbara
Toi que je ne connaissais pas
Toi qui ne me connaissais pas
Rappelle-toi
Rappelle-toi quand même ce jour-là
N’oublie pas
Un homme sous un porche s’abritait
Et il a crié ton nom
Barbara
Et tu as couru vers lui sous la pluie
Ruisselante, ravie, épanouie
Et tu t’es jetée dans ses bras
Rappelle-toi cela Barbara
Et ne m’en veux pas si je te tutoie
Je dis tu à tous ceux que j’aime
Même si je ne les ai vu qu’une seule fois
Je dis tu à tous ceux qui s’aiment
Même si je ne les connais pas
Rappelle-toi Barbara
N’oublie pas
Cette pluie sage et heureuse
Sur ton visage heureux
Sur cette ville heureuse
Cette pluie sur la mer
Sur l’arsenal
Sur le bateau d’Ouessant
Oh Barbara
Quelle connerie la guerre
Qu’es-tu devenue maintenant
Sous cette pluie de fer
De feu d’acier de sang
Et celui qui te serrait dans ses bras
Amoureusement
Est-il mort disparu ou encore vivant
Oh Barbara
Il pleut sans cesse sur Brest
Comme il pleuvait avant
Mais ce n’est plus pareil et tout est abîmé
C’est une pluie de deuil, terrible et désolée
Ce n’est même plus l’orage
De fer d’acier et de sang
Tout simplement des nuages
Qui crèvent comme des chiens
Des chiens qui disparaissent
Au fil de l’eau sur Brest
Et vont pourrir au loin
Au loin, très loin de Brest
Dont il ne reste rien.
billbaroud35- Admin
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Re: FIL POESIE
Gotch a écrit:ben oui...billbaroud a écrit:c'est de toi?
tu as oublié le " " quand tu m'as cité
billbaroud35- Admin
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Re: FIL POESIE
Merci Bill, mais c'est trop d'honneur!billbaroud35 a écrit:tu as oublié le " " quand tu m'as citéGotch a écrit:ben oui...billbaroud a écrit:c'est de toi?
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