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DE LA NOSTALGIE DU PASSE AUX DANGERS DU SECTARISME.

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Message  sam telam Sam 19 Juil - 10:51

DE LA NOSTALGIE DU PASSE AUX DANGERS DU SECTARISME.

REPONSE AUX ECONOMISTES CYRIL DI MEO ET JEAN-MARIE HARRIBEY.

Un texte paru dans Politis et intitulé "Du danger de la
décroissance" circule sur plusieurs listes et en particulier sur celle
des Alternatifs. Je trouve bon l’existence et la circulation de ce
texte (ou d’autres textes du même genre) car cela permet d’ouvrir des
débats de fond.
Je ne répondrai pas en tant que "décroissant" - ce que
je ne suis pas -, mais animé par le double souci :

-que le mouvement
pour la décroissance soit reconnu comme un apport positif à la pensée
et mouvance alternative, de serait-ce que par les problèmes qu’il
soulève, même si on peut garder une position critique à son égard (mais
c’est vrai de tous les apports dans une pensée alternative en
construction.
Par exemple, je suis très opposé à l’anti-libéralisme et
ouvertement critique à son égard, tout en reconnaissant qu’il fait
partie de la construction d’une pensée politique alternative).

Et de ne pas le critiquer à partir de positions passéistes, qui
ont fait la preuve de leur faillite, idéologique et pratique (et
écologique).

1-Le ton. Tout d’abord, et ce n’est pas un détail, le ton.
Le ton de ce texte est parfaitement sectaire et accusateur. Il instruit
un procès et nous met en garde contre un danger. Ce n’est absolument le
ton d’un débat critique, serein, entre militants engagés dans la même
aventure. Les deux auteurs parlent, à plusieurs reprises, de "danger"
de "propagation d’idées relativement dangereuses".
Et ils vont même plus loin : ils préconisent l’éradication, la non présence de la pensée
de la décroissance (et donc des militants qui la portent et la font
évoluer d’ailleurs) au sein d’un mouvement altermondialiste avec une
mise en garde claire et nette : "Plus que jamais, les altermondialistes
doivent être attentifs à ce que n’apparaissent pas, en leur sein, les
idéologies qui accompagnent les rares avancées obtenues par le
salariat".

Comme Harribey nous apprend son rôle dans ATTAC, cette mise
en garde n’est pas anonyme.
C’est clair : les partisans de la décroissance sont dangereux, complètement "idéologisés" et ils n’ont
pas leur place dans le mouvement altermondialiste (voir dans le
regroupement antilibéral ?).
Je pense que le vrai danger ne vient pas des décroissants, mais des personnes ou courants qui instruisent des
procès et prononcent des excommunications.

On peut critiquer, mais en
les respectant, des courants d’idées auxquels on n’adhère pas, sans
douter de la sincérité de leur engagement et voyant en quoi leur apport
peut être positif. C’est ce respect mutuel qui manque totalement à ce
texte.

2-Le fond : la grande nostalgie des Trente Glorieuses. D’abord
les deux auteurs se présentent comme économistes. C’est effectivement
leur métier professionnel et ce qui soulève en partie leur indignation
est relative à ce qu’ils qualifient de "remise en cause générale" de
l’économie par les décroissants.

Fort bien. Personnellement, j’ai les mêmes diplômes qu’eux en économie, j’ai enseigné pendant plusieurs
années l’économie à l’Université et je connais les diverses écoles qui
marquent cette discipline. Or leur défense de "l’économie" en général
est indéfendable.
D’abord parce qu’il n’existe pas "une économie", mais
différents courants de pensée et différents politiques en économie qui
ne sont en rien identiques.
Ensuite parce que la généralité "l’économie" est une pure fiction, une généralité vide (sauf quand on
enseigne à des enfants pour leur parler de l’économie d’un pays, comme
on parlerait de sa géographie : en réalité, ce n’est pas d’économie
dont on parle, mais de production, ce qui n’est absolument pas la même
chose).

Par ailleurs, puisque ces deux auteurs sont si bien formés à
l’économie, ils doivent savoir qu’il a toujours existé, depuis Marx, un
courant critique de l’économie (à l’époque de Marx : critique de
l’économie politique) qui montre ce qui se cachent derrière les
théories économiques et met à nu les rapports sociaux qui conduisent à
la construction de ces théories (et dissimulent leur fonction réelle de
légitimation de l’exploitation et de la domination de classe). Marx n’a
jamais prôné la constitution d’une "économie marxiste". Il s’est même
élevé contre.

Plus proche de nous, il existe des courants et des
auteurs qui critiquent l’économisme, jusqu’à ses racines théoriques et
idéologiques, et qui prônent un dépassement de léconomie. J’en fais
partie. J’ai écrit, avec Christian Palloix, économiste de renom, un
livre intitulé clairement : "La société post-économique. Esquisse d’une
société Alternative" dans lequel nous défendons une argumentation dans
ce sens.

Un des aspects de l’économisme est précisément de naturaliser
le mot "économie", d’en faire la base, quasi-naturelle et éternelle de
toute vie en société, et de défendre un certain nombre d’évidence ou de
lois économiques, auxquelles les citoyens que nous sommes doivent se
plier.
Comme Di Méo et Harribey ne disent pas en quoi, pour eux,
consiste l’économie, je ne peux pas aller plus loin dans mon
argumentation. Mais j’en viens à l’essentiel : qu’est ce que ces deux
auteurs défendent explicitement : le maintien, voire l’élargissement de
l’Etat Providence, tel qu’il s’est construit, en France, pour
l’essentiel (même si l’origine en est plus lointaine) dans la période
de l’après-guerre, plus connue sous le nom des Trente Glorieuse.
J’admets que cet Etat-Providence a été pour partie un acquis des luttes
sociales de l’époque.

Nos auteurs prônent le maintien, voire le
reconstruction (car cet Etat-Providence est nettement affaibli), voire
l’expansion de cet Etat, qu’ils présentent comme un ensemble de
"solidarités institutionnalisées", et ceci sous la forme classique
d’une "solidarité collective obligatoire et anonyme". Ils prônent la
défense d’un système, voire, si l’on veut être cohérent, un retour en
arrière.

Or voici les quelques questions qu’ils évitent de poser :
la période des Trente Glorieuse a vu un rétablissement
du capitalisme en France, dans la suite de l’Après Guerre, avec l’essor
d’un productivisme effréné (dont nous payons en partie les conséquences
écologiques) et avec l’application, particulièrement brutale, en
France, du taylorisme.

Qu’est-ce qui a permis de financer la mise sur
pied des "solidarités institutionnalisées" ?
Un niveau de productivité
inégalé, grâce au taylorisme et au fordisme, grâce aussi à
l’importation en masse de travailleurs immigrés et à l’exode rural.

Bref : grâce à la destruction de solidarités essentielles : celles qui
se nouent dans le travail et dans le partage d’une culture commune.
C’est ce niveau de productivité du travail, donc une exploitation
intensive de tout (de la main d’ouvre, des ressources énergétiques, des
paysages, des grandes infrastructures, etc.), qui a permis que croisse
un salaire indirect, socialisé, qui a servi à financer l’Etat Social.
Le résultat des Trente Glorieuses nous le voyons aujourd’hui tous les
jours, mais nous voyons encore mieux qu’à l’époque ses effets
destructeurs.
Cette époque s’est accompagnée d’une forte montée du salariat
(des travailleurs salariés), Etat Providence et montée du salariat
allant ensemble.

Or que nous disent nos deux auteurs, implicitement :
qu’il faut maintenir et étendre le salariat.
On aurait pu croire qu’ils
avaient une filiation marxiste, mais là elle s’effondre : Marx s’est
battu avec force, contre les courants sociaux-démocrates de son époque,
non pas pour l’expansion, mais au contraire pour la fin du salariat,
pour son dépassement.

C’est un point de clivage essentiel. Quand on
lutte pour le dépassement de la condition salariale, on lutte aussi,
non pas pour une redistribution des richesses (position
social-démocrate classique), mais pour un nouveau système de propriété
et donc un nouveau système de définition et d’appropriation des
richesses créées.


Certains courants politiques actuels qualifient ce
nouveau système par le mot "autogestion"
.

Le débat reste ouvert sur ce
point. Mais une chose est claire : pour tout révolutionnaire, le
dépassement du salariat est un point essentiel, voire "le" point
essentiel.


Il intègre bien sûr le dépérissement de formes de salaires
indirects, dits "socialisés", gérés par l’Etat et des belles
superstructures bureaucratiques.

On doit, il est vrai, allé au-delà
(mais non en deçà) de Marx, en mettant mieux en valeur ce qu’il
appelait déjà : la création croissante de temps disponible, la multi
activité des individus, et une perception claire des choix écologiques
fondamentaux.

Mais dépasser le salariat peut signifier précisément
dépasser l’étatisme, rendre les citoyens, dans leurs multi activités
(
donc celle de producteur bien entendu) responsables, en solidarité
directe avec les autres, d’un nouveau mode de relation aux forces
naturelles et à l’esthétique des paysages et cadres de vie.


Que des institutions de coordination et de soutien techniques (du type agences
des eaux) soient nécessaires, oui, à tous les niveaux, mais absolument
pas comme appendice d’un Etat (bureaucratique).

Enfin, nos deux auteurs sont, pour des raisons mal expliquées
dans leur texte, des farouches partisans du maintien du rôle de la
monnaie.

Mais là aussi, tout se tient. Il est normal qu’un
social-démocrate reste un chaud partisan du rôle de la monnaie :
c’est
elle le vecteur, à la fois de la ponction sur les revenus (un Etat
Providence, ça se paie cher !) et de la redistribution.

Il n’effleure pas leur esprit que le développement d’échanges non monétaires,
l’expansion de la gratuité dans l’usage des biens communs, la
perspective autogestionnaire, puissent permettre d’assurer à la fois
une nette montée de la qualité des services
, rendus en partie à leur
véritable vocation : des services de proximité, engendrés dans des
rapports interhumains directs, et rendre leur engendrement bien
meilleur marché que ce n’est le cas actuellement.


Et ceci dans pratiquement tous les domaines (dont la retraite par exemple). Voilà.
Je pense que le texte de Di Méo et Harribey est inacceptable par son
ton et complètement social-démocratique et passéiste par son contenu.
Je dois, pour être honnête, dire que sur le contenu, je pense
exactement la même chose de la fameuse Charte anti-libérale.

Philippe Zarifian
le 19 septembre 2006
site personnel : http://perso.orange.fr/philippe.zarifian/



mise en page et surlignage pour plus de clarté par Sam
http://www.la-cen.org/spip.php?article248
sam telam
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